Pour la plupart des gens, tout du moins dans nos sociétés fondées sur la compétition et sur l’apparence de la force pour être le meilleur, avoir ou montrer des émotions est un signe de faiblesse. Et bien souvent, on les refoule, on les fuit et on les combat ; ce qui n’est pas sans conséquences sur l’hygiène mentale. Car au bout d’un moment…ça craque. Ou alors, ça résiste, mais on bâtit une véritable forteresse autour de soi et on devient un être dépourvu de sensibilité. En réalité, fuir ses émotions est une belle démonstration de peur, donc de faiblesse.
L’hypnose propose au contraire de s’intéresser à l’émotion, à l’élément déclencheur de celle-ci, et de la comprendre dans son intégralité pour pouvoir la transcender. Il faut envisager la nécessité d’aller au bout d’une émotion pour pouvoir s’en détacher, et en tirer quelque chose de positif lorsque l’émotion est transformée. Comme une renaissance.
En soi, une émotion n’est ni positive, ni négative. C’est ce que l’on en fait qui rend nos actes et réactions liés à l’état émotionnel présent positifs ou négatifs. « Tout notre raisonnement se réduit à céder au sentiment » selon Pascal. « On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin » nous dit Goethe.
Travailler sur les émotions pour les transformer, c’est avant tout admettre des vérités difficiles à vivre, prendre conscience de ce que cela crée en soi, accepter la présence de ces émotions, puis prendre du recul par rapport à celles-ci pour les regarder en face. On se fait comme l’observateur des émotions qui s’immiscent en nous. Cette prise de recul, cette dissociation, amènent de la lucidité.
La lucidité, c’est faire la lumière sur ce qui nous paraît obscur ou qui nous fait de l’ombre dans notre vie. C’est tout bonnement faire la lumière sur les choses à l’intérieur de nous pour déboucher sur une conscience éclairée. Bien entendu, la lucidité amène de la souffrance lorsque l’on voit la vérité en face, mais c’est un acte de courage qui montre que, bien qu’accompagné d’amertume, cela vaut bien plus que de vivre dans une douce illusion et une paisible lâcheté. La lucidité transforme une personne, tant dans ses sentiments, ses sensations et ses émotions.
Cette lumière accentue la prise de recul sur ce qui nous bloque, et invite donc à l’optimisme. L’hypnose apporte un éclairage à l’intérieur de la personne et dans sa vie. L’accompagnant n’est qu’une torche. Quant au pessimisme, c’est une perte de vitalité, une baisse d’énergie. On perd la lumière et on n’y voit plus clair. C’est ce qui arrive lorsqu’on garde les émotions en soi ; celles-ci grossissent, prennent de l’ampleur et finissent par étouffer celui qui les contient.
Il n’est pas inutile d’aller jusqu’au bout d’une émotion, de l’appréhender sous toutes ses formes pour en apprendre le plus possible sur elle…et donc sur soi. C’est la connaissance de lui-même qui sauva Faust face à Méphistophélès dans l’œuvre de Goethe. Une émotion est une messagère qui a quelque chose à nous dire, même lorsque c’est une émotion très pénible qui nous traverse.
Laisser s’exprimer l’émotion, valider son contenu et recevoir son message : c’est alors qu’elle s’en ira, car elle aura épuisé tout son sens. Dégoût, colère, tristesse, etc… ont toujours quelque chose à nous dire, à nous apprendre, à nous apporter. Et il faut une once de courage pour se confronter et écouter ces émotions, pour « discuter » avec elles.
Etre lucide par rapport à une émotion nous éveille, nous transforme. Et plus l’émotion est forte et plus on prend du recul, et plus la transformation sera grande et revitalisante. C’est la récompense. Pascal, dans « Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies » montrait qu’on pouvait tirer des choses positives du malheur, qu’il pouvait être source de bien-être et de force, à condition de pouvoir relever la tête et d’être lucide pour pouvoir avancer. « Sans elles (les souffrances) je ne puis arriver à la gloire ».
Pour y voir plus clair sur la vie et sur soi, il faut souvent passer par la boue et les crachats (sentiments de honte, d’humiliation), par des choses difficiles à traverser ; mais là réside la vraie lucidité quand on arrive à traverser tout cela. On en ressort transformé à jamais. Sans les souffrances de la vie, et sans la sensibilité aux souffrances des autres (pour le thérapeute), l’accès à la lucidité reste une simple hypothèse théorique. Seul le vécu de la personne et sa transformation sont réels et concrets.